Pour un nouveau dialogue Entreprise - Territoire

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Fiche Ressources DLD N°920-2052

Pour un nouveau dialogue Entreprise - Territoire

Le « territoire » défini comme l’espace « où l’ensemble des éléments de l’action publique s’intègrent plus aisément et où se multiplient des réseaux de partenariat (…) » effectue un retour en force remarqué. Il a définitivement quitté son image poussiéreuse d’« espace de repli folklorisé » à la merci des effets de la mondialisation, pour enfiler les habits neufs de la gouvernance. Au-delà des effets de mode, de nouvelles dynamiques sont à l’oeuvre localement. De nouveaux acteurs se mobilisent, de nouvelles approches et de nouveaux projets de développement voient le jour.


Nouvelle donne

Chacun semble avoir pris conscience que le développement d’un territoire dépendait de plus en plus de la capacité de l’ensemble des acteurs locaux à dialoguer et à s’ouvrir pour apprendre, transmettre et transférer des savoir-faire et des savoir-être. Il dépend également de leur aptitude à se mobiliser autour d’un projet, à mettre en place des partenariats efficaces à différents niveaux.

Avant l’Etat, les collectivités ont compris tout l’intérêt de ce processus de mobilisation pour valoriser les ressources et créer un environnement favorable au développement d’initiatives. Dans de nombreuses régions, les politiques de développement local ont porté leurs fruits tant en matière d’animation, de tourisme que d’organisation des territoires à l’échelle des « bassins de vie » et de l’intercommunalité.

Cependant, l’implication des hommes de l’entreprise dans ces dynamiques est encore rare. Les collectivités locales ont certes appris à dialoguer avec les entrepreneurs lors de situations de crise ou à travers les politiques de marketing territorial. Cependant, à de rares exceptions près, les échanges en amont dans la réflexion stratégique, la co-production et le suivi de projets de territoires restent exceptionnels. Si les préjugés sont tenaces, les conditions d’un nouveau dialogue semblent aujourd’hui réunies. La situation de l’emploi et quelques délocalisations spectaculaires ont entraîné un changement d’attitude des acteurs locaux qui cherchent à ancrer l’entreprise sur leur territoire. L’évolution est encore plus sensible du côté des entrepreneurs qui ont compris que le développement de leur établissement dépendait aussi de son environnement. Paradoxalement, l’internationalisation de l’économie et la globalisation des systèmes de production a eu pour effet d’étendre le réseau des interdépendances économiques à l’échelle mondiale et de rendre indispensable leur implication locale.

Désormais, le territoire n’est plus un simple réceptacle. Il est devenu un réducteur des incertitudes liées à la mondialisation et à l’accélération des mutations mais aussi une source d’innovation, de réactivité, d’anticipation, donc de différenciation et de compétitivité. Cette « nouvelle donne » explique le développement récent des nouveaux partenariats publics-privés qui se construisent aujourd’hui tant en milieu rural que dans les quartiers de nos agglomérations à l’initiative des chambres consulaires, des collectivités locales et des entreprises. Ces dernières s’impliquent de plus en plus dans des domaines qui ne sont pas leur vocation première : formation, logement, apprentissage, insertion des jeunes ou des chômeurs de longue durée, révision des Plans d’occupation des sols ou des Schémas directeurs. On assiste à l’émergence d’associations, clubs ou groupes informels d’entreprises -de taille et d’activités diverses- fédérées à l’échelle d’un même bassin d’emploi autour de besoins communs : formation, export, qualité et certification, accès aux financements ou recherche-développement. Dans les grands groupes internationaux, chaque site de production défend âprement ses positions et c’est dans le territoire que les établissements vont chercher des solutions efficaces et souvent inattendues se traduisant par des gains de productivité. C’est la mise en réseau plus que le stock de ressources qui fait aujourd’hui la différence. Beaucoup de régions dites riches devraient y réfléchir.

Parallèlement au travail des chambres consulaires et des syndicats professionnels, ces entreprises et structures nouvelles s’érigent en interlocuteurs des collectivités et s’imposent peu à peu comme des partenaires exigeants des nouvelles gouvernances.

Vers une nouvelle gouvernance

Ces initiatives encore désordonnées convergent. Dans un contexte de recomposition des territoires, les entreprises –et en particulier les PME- peuvent trouver leur place dans les processus d’intelligence collective, bien au-delà du discours éculé sur « l’entreprise citoyenne ». Plusieurs conditions doivent encore être remplies. Les acteurs publics doivent intégrer le fait que le lieu de production économique n’est plus « l’entreprise bunker ».

Le territoire doit être envisagé comme un ensemble stratégique à contour flou et variable mêlant des entreprises en réseau, des collectivités, des acteurs sociaux, au sein d’une communauté gérée sur la base de contrats et de projets. C’est en ces termes qu’il faut penser la gouvernance. Les efforts conjoints des collectivités, des acteurs socio-économiques et des entreprises peuvent participer à l’émergence d’« économies-territoires » à l’échelle des bassins d’emploi dotées d’une véritable ingénierie de développement, et d’un savoir-faire technique, économique, financier et social.

Il reste à inventer les interfaces pertinentes, supports d’un dialogue permanent entre l’entreprise et les acteurs publics, capables de soutenir l’émergence de ces nouvelles pratiques collectives. Enfin, les conditions de cette nouvelle gouvernance doivent être débattues à tous les niveaux et avec l’ensemble des partenaires. Au-delà des expérimentations territoriales, cette révolution silencieuse mérite un large débat public. Pour l’instant, le silence assourdissant des entreprises a répondu aux débats passionnés des acteurs publics locaux sur les différentes lois d’aménagement et de développement du territoire. Est-ce la méfiance du privé par rapport à l’empilement des textes législatifs ou des structures qu’il faut d’ailleurs financer, un reliquat du traumatisme sur l’application uniforme des 35 heures ou une simple question de communication ? Tout aussi étonnamment, la refonte du dialogue social dont il est beaucoup question, semble détachée des préoccupations locales et n’intègre pas la dimension territoriale des bassins d’emploi.

La mise en place progressive des « pays » et le renforcement de l’intercommunalité de projet, offrent aujourd’hui les conditions propices à la mise en place de nouvelles relations entre acteurs publics et entreprises et doit permettre l’émergence d’un large débat sur la place de l’entreprise et de ses hommes dans ces échanges : place souhaitée, place concédée ou place négociée ? Ce dialogue relève d’abord d’un intérêt bien compris et d’une analyse conjointe des besoins de chacun, sans démagogie ni fausse philanthropie. Cette capacité d’empathie n’est pas donnée. Elle s’acquiert. De là à penser que la gouvernance locale dépend d’abord de la capacité des acteurs locaux à la mettre en oeuvre.



modifie le 25 avril 2011