Illusions des revendications territoriales !
Que Nenni. Le Local demeure la seule politique crédible et humaine.

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Débat

Illusions des revendications territoriales !
Que Nenni. Le Local demeure la seule politique crédible et humaine.


Dans son article du 7/12 dernier « L’illusion des revendications territoriales » Eric Le Boucher affirme un choix erroné que l’on peut résumer en une formule : la mobilité contre le territorialisme.

Certes « le territorialisme est une force qui monte, de la Corse à la Catalogne ».
    • Mais pourquoi résumer cette réalité à de l’électoralisme ! L’attachement, oui l’appartenance à son Local (identité, proximité, valeurs, langues etc…) voici un sentiment largement éprouvé par bien des français et des européens.
  • En déduire que « Pour créer des emplois, il faut au contraire promouvoir les valeurs de mobilité. »
    • Un peu simple en besogne ! Et ce n’est pas en convoquant les délégués régionaux du Medef ou les maires de France… que vous allez changer la donne. Les acteurs de l’économie locale (industriels, artisans, commerçants, services novateurs, etc.) sont bien davantage en première ligne y compris ceux qui s’investissent dans nos quartiers ou dans les usines à la campagne.

Vous avez raison de rappeler qu’une grande partie des élites de notre pays et pas que dans la haute administration ne connaît guère Le Local voir le méprise parfois avec un discours hautain [1].

    • Raison de plus pour que les artisans, les forces vives, les entreprenants du Local, des terres de France, des communautés de proximité ne baissent pas les bras !

Ce n’est pas « Le territorialisme (qui) se croit convoqué par l’urgence ».

    • L’accumulation de choix erronés de développement dite d’aménagement du territoire… a fondé, sillon après sillon… la fracturation de la France… et pas seulement entre « Paris et le désert français » [2]. Comme trop de droit tue le droit… Trop de métropolisation tue la France de la diversité, des identités locales, des savoirs comme de l’histoire de nos provinces, de nos quartiers, de nos villages… Trop de métropolisation créé la pauvreté… Trop de métropolisation créé de la pollution lumineuse nuisible à notre santé et aux écosystèmes [3].

S’en sortir dans la vie dépendrait « de votre lieu de naissance et de résidence, être né là vous condamne de plus en plus, presque d’emblée… Seul le vote populiste prospère dans ces territoires décrochés ».

    • Se sentir « abandonnées » . Est-ce si vrai si l’on en croit Jean Paul Besset qui rappelait la dynamique vigoureuse, à « fondement humain » visant ce qu’il appelait : « l’expérience accumulée par les acteurs anonymes, dispersés et largement méprisés, qui tissent la trame d’un bouleversement où l’on verrait le local dessiner le global ».
      Parcourez donc la France avec des yeux neufs face à des Terres Inconnues [4].
 
Quand l’identité se dissout « dans la machine à homogénéiser, la mondialisation des modes de vie et la grande unification des connaissances par Internet, naît un sentiment irrépressible de se rapprocher de ce qui vous ressemble, les gens d’à côté. »
    • Certes, mais pas comme vous le croyez . Ecoutez ce que disent :
      • Daniel Boorstin dans les Découvreurs : « Le principal obstacle à la découverte de la forme de la Terre, des continents, des océans, n’a pas été l’ignorance, mais l’illusion de savoir. ».
      • Roger Chartier à propos d’Internet : « Les mutations de notre présent bouleversent, tout à la fois, les supports de l’écriture, la technique de sa reproduction et de sa dissémination, et les façons de lire. Une telle simultanéité est inédite dans l’histoire de l’humanité. » et aussi les enjeux de la lecture face à l’écran [5]
      • Michel Serres dans Petite Poucette qui esquisse le chemin : « Devant l’offre croissante de savoir en nappe immense, partout et toujours accessible, une offre ponctuelle et singulière devient dérisoire… ».
    • Celles et ceux qui segmentent en rejetant la territorialité pour lui substituer la mobilité sont dans l’illusion de savoir et dans le refus de voir qu’internet créé une société numérique acentrée [6].

L’emploi viendra au contraire « du maniement des grandes langues, l’espagnol, l’anglais, le chinois. Même le français n’y suffit déjà plus ».

    • Alors que l’Europe respecte au moins les langues officielles … et non se cantonner à fabriquer l’Europe dans l’administration européenne avec la langue anglaise en priorité ! [7]

Mais illusion de fond surtout. « Le local ne sera jamais une solution au global. Le zadisme, sous toutes ses formes, ne marche pas ».

    • Utiliser le terme zadisme c’est réduire insidieusement Le Local pour l’opposer au global. Un peu court quand même !

L’économie du XXIe siècle est de type agrégatif, « l’activité attire l’activité… répartie les emplois là où les flux mondiaux sont faciles »

    • Bien malin qui peut l’affirmer si aisément ! Il y a toujours eu de l’’agrégatif en économie (confluence de fleuves, profondeur des ports, ranparts pour se mettre à l’abri, passage de montagnes, de fleuves, point haut…) Aujourd’hui, ce qui change c’est de vivre bien davantage une société imprévisible , l’improbable y est de règle, l’éphémère aussi… et la centralité affirmée et référente disparaît de plus en plus. L’ubérisation rampante, mais plus simplement le lien hypertexte en sont les ferments…

Pourquoi vouloir réduire l’avenir de notre Pays à deux solutions : l’une la mobilité (« construire des réseaux de communication et aider les gens à quitter les zones perdues »)… l’autre la décentralisation, le territorialisme (« d’une efficacité réduite - les zones franches ne servent à rien, les clusters plus utiles - et ruineuse) »

    • Les deux sont parfaitement compatibles si vous décentrez votre paradigme pour passer d’une société structurée (mode XIX et XX ième) à une société numérique acentrée (XXI ième). Plutôt que l’exclusion de l’un par l’autre, soyons davantage pragmatique et agile d’esprit et d’action pour faire face à une société fort instable et improbable.

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Oui il faut s’indigner et dire
« Local, Local outragé ! Local brisé ! Local martyrisé ! mais Local libéré ! »

.

Local outragé ! [8]

De nombreux actes ou paroles concernant Le Local, portent gravement atteinte à une règle constitutionnelle qui se doit d’être respectée et intangible.
Le non respect de l’article 2 de la Constitution Française
La devise de la République est « Liberté, Égalité, Fraternité ».

  • Bon exemple d’inégalité : la couverture numérique de notre pays. Quand même extraordinaire de décomposer la France en zone de couleurs, de parler de fracture numérique… alors que les opérateurs ou la politique choisie auraient dû viser un principe simple : la couverture universelle numérique qui elle eût été un objectif clair d’égalité républicaine.
  • Quelle insulte envers « l’expérience accumulée par les acteurs anonymes, dispersés et largement méprisés » évoquée ci-dessus !

Local brisé !

Nos gouvernants en devenant accroc par principe à la rigueur de gestion à coup de %… (bien différente de la gestion en bon père de famille !) ont contribué à « désertifier » la France en délocalisant bien des services publics, en déstabilisant bien des économies de proximité.

  • Oui, ils ont brisé Le Local. Les rues désertes de centre ville, les places remplies uniquement le jour de marché… en sont les témoignages flagrants. Et maintenant que le mal est fait… il faudrait redonner vie aux rues de centre ville !… Mais qui achète les boutiques voir des rues entières en ce moment ? Cf Centres-villes à vendre.
  • Ce ne sont pas les Français qui sont réticents aux réformes, ce sont les réformes inappropriées qui donnent le tournis aux Français… Songeons aux dégâts faits par les recommandations pour l’abattage des haies… aux conséquences d’une agriculture intensive à coup de produits chimiques qui a piégé de nombreux agriculteurs « esclaves » d’un mode de développement agricole !…
 
Local martyrisé !

Vous dites comme solution « construire des réseaux de communication et aider les gens à quitter les zones perdues »

  • Vous acceptez alors de rayer de la carte France, de vider des zones entières pour assouvir une exigence de mobilité physique bien illusoire ! L’individu Homme, ne peut être réduit à une marchandise !
  • Même avec une aide la mobilité cela ne se borne pas à des injonctions orales qui se traduisent dans les faits (2 aller-retour de 150km par jour soit 2x2 h) pour aller dans une autre usine d’une ville à côté (Ussel) parce que la sienne (à La Souterraine) vient de fermer ! [9]. Oui, A.Rousset le président de la région Nouvelle-Aquitaine a raison : « Il faut qu’on repense notre relation au travail »… et plus généralement la place du travail dans nos sociétés numériques [10], et aussi l’incidence prochaine de l’intelligence artificielle.
  • La mobilité dans notre contexte de société numérique acentrée… devient d’abord un enjeu d’agilité pour les entreprises face aux modalités de travail nouvelle génération 3.0 ! [11]

mais Local libéré !

Le numérique libère Le Local

  • L’ agrégatif est conforté par les pratiques communautaires numériques qui complètent d’autres plus traditionnelles : la famille, le quartier, la profession ou corporation, l’appartenance à des clubs de hobbies… [12]
  • La mobilité n’est qu’un sujet parmi d’autres, à l’heure des nouvelles pratiques du travail comme de sa place dans notre société, à l’heure des territoires numériques venant compléter les territoires géographiques. La mobilité devient progressivement une agilité d’esprit, de capacité d’attention aux autres.
  • L’ accès à la connaissance s’appuie sur « des fragments de textes qui apparaissent sur l’écran ne sont pas des pages, mais des compositions singulières et éphémères. » et “le nouveau mode de conservation et de transmission des écrits impose à la lecture une logique analytique et encyclopédique où chaque texte n’a d’autre contexte que celui qui lui vient de son appartenance à une même rubrique ? - Roger Chartier »

Oui, en ce début du XXIe siècle, Le Local est la seule politique crédible et humaine.

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le 10 décembre 2017 par Jacques Chatignoux Opérateur
modifie le 10 septembre 2018

Notes

[1] Lire Elites, Politiques publiques, Stratégies privées, Pratiques civiles face au Local.

[2] Cf Paris et le désert français.

[3] Cf La lumiere nocturne nuit-elle à la santé - Les Echos.

[4] Terres Inconnues  : « Leurs journaux de bord, leur correspondance et les récits de leurs compagnons ont la fraîcheur des émotions sincères, des émerveillements qu’amplifiait le superlatif convenant aux mondes nouveaux. On peut y lire leurs motivations nobles, leur fierté parfois arrogante, leur assurance, leur triomphe et leur gloire. On y déchiffre aussi, entre les lignes, leurs doutes, leur lassitude, leurs peurs, leur désarroi, leurs échecs et parfois leur détresse » - François Bellec - Livre des terres inconnues, journaux de bord des navigateurs (XVe – XIXe siècles), Paris : Le Chêne, 2000.

[5] Lecture face à l’écran  : « Une lecture discontinue, segmentée, attachée au fragment plus qu’à la totalité. N’est-elle pas, de ce fait, l’héritière directe des pratiques permises et suggérées par le codex ? Celui-ci invite, en effet, à feuilleter les textes, en prenant appui sur leurs index ou bien à »sauts et gambades« comme disait Montaigne, à comparer des passages, comme le voulait la lecture typologique de la Bible, ou à extraire et copier citations et sentences, ainsi que l’exigeait la technique humaniste des lieux communs »

  • Ecoutons encore : « En brisant le lien ancien noué entre les discours et leur matérialité, la révolution numérique oblige à une radicale révision des gestes et des notions que nous associons à l’écrit. Malgré les inerties du vocabulaire qui tentent d’apprivoiser la nouveauté en la désignant avec des mots familiers, les fragments de textes qui apparaissent sur l’écran ne sont pas des pages, mais des compositions singulières et éphémères. »
  • Ce qui conduit à : « Comment préserver des manières de lire qui construisent la signification à partir de la coexistence de textes dans un même objet (un livre, une revue, un journal) alors que le nouveau mode de conservation et de transmission des écrits impose à la lecture une logique analytique et encyclopédique où chaque texte n’a d’autre contexte que celui qui lui vient de son appartenance à une même rubrique ? »
    Cf Leçon inaugurale au Collège de France « L’écrit et l’écran, une révolution en marche » , par Roger Chartier - Le Monde du 13-oct-2007…

[6] Société numérique acentrée  : Cf Le Local enjeu et horizon pour la création de valeur et la citoyenneté - note 2 : « L’intelligence est à la périphérie du réseau… Il est désormais possible de relocaliser le monde parce que, ce qui avait été obtenu par centralisation – à savoir la réunion d’une grande masse de connaissances à un endroit, d’une grande masse de production à un autre – peut désormais être obtenu de manière acentrée avec le réseau. ».

[7] Cf Pour une Europe du Local - note 7 et Journée Européenne des Langues - 26 septembre - L’Europe sera multilingue ou ne sera pas.

[8] Le 25/08/1944, Place de l’Hôtel de Ville, le général de GAULLE prononce un discours avec sa célèbre « petite phrase » :« … Paris, Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! mais Paris libéré !… libéré par lui-même, libéré par son peuple, avec le concours des armées de la France… ».

[9] Cf Macron conseille à ceux qui « foutent le bordel » pour sauver GM&S de chercher du travail ailleurs.

[10] Cf Le travail : valeurs, attentes et frustrations et aussi Quel travail dans 20 ans - Place du travail dans la société ou encore « Il va peut-être falloir repenser la place du travail dans nos vies ».

[11] Cf Le travail 3.0, une nouvelle façon de travailler : « combinaison de travail à la demande et de travail distant, au sein d’équipes virtuelles constituées de salariés et de prestataires extérieurs. grâce à des places de marché spécialisées. Seules la compétence et la complémentarité du talent recherché comptent. Côté employé, l’abolition des frontières régionales permet à chacun de se positionner sur des projets qui lui tiennent à cœur et pour lesquels il peut valoriser ses réelles aptitudes. Sa rémunération est fonction de sa prestation et non plus du seul »emploi traditionnel« qu’il a pu trouver dans sa région. »

[12] Fred Cavazza a raison de rappeler « La dynamique communautaire repose avant tout sur l’empathie (”je cherche des personnes ayant eu la même expérience que moi“) des membres qui cherchent à partager une passion ou un vécu » Cf : Ne confondez plus communautaire et social.