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Le concept de développement local et les pratiques
qui s’y rattachent se caractérisent par la multiplicité des discours et des programmes, tour à tour complémentaires et contradictoires.
- « C’est une des meilleurs souvenirs de fac ! Le professeur chargé de cours sur le développement local nous racontait des histoires drôles et sympathiques sur les expériences d’élevage d’animaux exotiques en Bretagne, sur la transformation des fermes en auberges, sur la renaissance de l’artisanat et du patois. Comme au bon vieux temps ! »
(Un directeur d’études au sein d’une agence de développement et d’urbanisme)- « De quel développement s’agit-il ? culturel, économique ? de micro-actions ? en tant que tel et sans en préciser les contenus, le développement local est un concept vide, un slogan. »
(Un membre de l’équipe de direction d’une communauté urbaine)- « C’est une démarche volontaire d’acteurs se réunissant sur un tertoire à taille humaine pour envisager l’avenir de leur territorie. Cela en perspective avec d’autres niveaux d’administration et d’autres échelons politiques de la nation. C’est une vision du local dans le global, qui voit le territoire comme un système en relation avec d’autres sytèmes et d’autres acteurs. Les acteurs oeuvrent à l’amélioration des conditions de vie de leur territoire, ce qui passe, notamment, par le développement et l’emploi. »
(Un chargé de mission auprès du Comité de Liaison des Bassins d’emploi - CLCBE)- « Le développement local est la contribution qu’un petit territoire apporte au mouvement général du développement, en termes de plus-value économique, sociale, culturelle, spatiale. C’est un produit de nature globale instrumenté par le projet de territoire d’une équipe, articulé autour d’initiatives économiques et écologiques. »
(Un chargé de mission auprès de Mairie-Conseil)- « Le développement local est une organisation à construire par de l’information en reliant des acteurs publics et privés, engagés dans une dynamique de projet sur un territoire. »
(Un chargé de mission auprès du Ministère de l’Equipement, Direction de l’Aménagement et de l’Urbanisme)
L’émergence du concept
C’est vers la fin des années ’50 que prend forme la théorie du développement endogène, par John Friedmann et Walter Stöhr.
C’est une approche volontariste, axée sur un territoire restreint, qui conçoit le développement comme une démarche partant du bas, privilégiant les ressources endogènes.
Elle fait appel aux traditions industrielles locales et insiste particulièrement sur la prise en compte des valeurs culturelles et sur le recours à des modalités coopératives.
Le développement local possède une référence politique et économique qui prend son essor avec les politiques de décentralisation des années ’80.
Du macro au micro
Les profondes modifications de l’économie mondiale et notamment des formes que prend la compétitivité renversent les modes de production : c’est désormais la demande du marché qui est à l’origine de l’organisation de la chaîne productive. Le maître-mot n’est plus la programmation mais la flexibilité, que les réseaux souples de petites unités de production ou les pôles de développement intégré semblent mieux à même de porter que les macro-unités. Quand la crise touche des régions dont l’économie est caractérisée par la mono-activité, c’est tout le tissu social qui s’effondre.
En réaction à ces données économiques, le développement local, c’est-à-dire la recherche d’un équilibre local par le biais d’une certaine auto-suffisance qui s’appuie sur la diversification et l’intégration des activités, peut être vu comme une réponse efficace.
La crise amène à privilégier le plan local par rapport au plan national et rencontre sur le terrain des poussées sociales, culturelles et identitaires. Le local s’approprie en quelque sorte le développement pour en faire un concept et une pratique globale, une stratégie territoriale intégrée, solidaire, durable.
Le rôle des régions
Les régions sont un des échelons territoriaux du découpage juridique de l’espace national. Elles jouent un rôle primordial dans la planification et dans l’aménagement du territoire. Leur impact sur le développement local est réel.
La région s’affirme dans les faits comme l’échelon de référence du développement industriel, de certains services, poste et transports notamment, comme niveau administratif de coordination et d’action.
Le régionalisme est une des voies à travers laquelle s’exprime une tendance assise sur un modèle rationaliste qui vise la congruence entre la structuration administrative et les réalités géographiques et économiques.
L’intervention économique locale est donc considérée comme étant de la compétence de la région, à laquelle les départements et les communes auront vocation à s’associer.
Entre les enjeux nationaux et les réalités locales, la planification appuie les leviers locaux du développement, en faisant participer les acteurs locaux à l’élaboration du plan régional, et en aidant à la formulation de projets de développement local. Le contenu du contrat de plan répond à la volonté de traiter des problèmes de développement, même si cela ne correspond pas tout à fait à la distribution juridique des compétences.
Vers le haut, la région est le niveau de référence des politiques nationales et européennes.
Vers le bas, elle peut constituer le niveau de cohésion des projets infra-régionaux et permettre d’articuler et de donner un sens commun à des initiatives multiples.
Le rôle de l’Europe
Le projet européen est largement fondé sur la théorie économique néo-classique. Les forces du marché doivent pouvoir opérer librement de manière à créer un bien-être socio-économique sur l’espace européen. Mais la persistance de déséquilibres au niveau infra-national, qui risque de miner le projet initial, conduit à la création d’un organe interventionniste. En 1975, le Fonds régional voit le jour avec pour mission de renflouer les zones économiques désavantagées afin d’élever leur niveau de vie à celui de la moyenne européenne. C’est la première reconnaissance d’un niveau infra-national comme champ d’intervention des politiques européennes.
Dans cette Europe en construction, où se situe le développement local ?
La notion trouve ses marques dans les politiques sociales de l’exécutif bruxellois - la Commission européenne - vers le milieu des années ’80 : initiatives locales pour l’emploi, aides aux quartiers en crise, lutte contre le chômage de longue durée, défense des langues minoritaires, etc. Ces politiques allouent des cofinancements à des projets de petite dimension ayant un caractère pilote. L’objectif est de stimuler ces projets en favorisant leur transférabilité sur d’autres populations ou territoires européens.
Mais c’est la communication de la Commission eu Conseil du 29/7/88 intitulée « l’avenir du monde rural » qui constitue le premier grand plébicite des politiques de développement local au plan européen, et aboutit en 1992 à une allocation non-négligeable de crédits destinés à des micro-territoires ruraux pour une période de trois ans (1992-1994) .
Au plan de l’organigramme institutionnel, ce n’est qu’à partir de la première réforme des Fonds structurels (1989-1993) que se crée une division du développement local au sein de la Direction générale des Politiques régionales.
Ainsi le développement local devient l’affaire des politiques structurelles dont le principal maître d’oeuvre est le Fonds européen du développement régional (FEDER).
Cette position institutionnelle est-elle un reflet - fidèle ou déformé - de la place du développement local dans l’organisation des services publics nationaux ?
Nous observons qu’en France, le développement local est une pratique institutionnalisée sous de multiples facettes. La DATAR inscrit le développement local dans le prolongement de ses compétences en matière d’aménagement du territoire et d’action régionale. Le ministère du travail consacre un effort considérable à des programmes d’initiatives locales pour l’emploi. Le ministère de l’industrie participe aux programmes de reconversion de sites industriels. Le ministère de l’équipement s’occupe des politiques de la ville, etc.
En tout état de cause, sur fond de crise économique, de chômage et de pauvreté, le Parlement et le Conseil européens s’accordent pour reconnaître la fonction de prospective, de coordination et de promotion de la Commission européenne dans le domaine du développement local, même si le concept lui-même reste flou.
Partout en Europe, le développement local possède un statut polymorphe au plan institutionnel. Son recentrage au niveau des politiques régionales communautaires n’est pas sans risque s’il n’est pas suivi d’une meilleure articulation entre les différents niveaux de compétences - national, régional et infra-régional - au sein de chaque Etat Membre.
Il semble qu’à l’heure actuelle, la nouvelle réforme des fonds structurels, annoncée pour 1999, se réoriente autour de trois objectifs principaux , dont une seule approche géographique (réduction des disparités régionales) et deux approches thématiques (accompagnement des mutations structurelles et développement des ressources humaines). Le budget est énorme : 157 milliards d’ECU, soit 35,6% du budget communautaire. Les débats sont loin d’être clos. Les négociations avec et entre les Etats devront se conclure au cours de l’année 1998, parallèlement à l’instauration de l’Union monétaire.
En dehors du monde des institutions nationales et européennes, une multitude de centres de ressources, d’instituts, aussi bien dans le secteur non-marchand (monde académique, collectivités territoriales, mutuelles) que dans le secteur marchand (banques, chambres de commerces, grandes entreprises, organismes professionnels) s’activent depuis de longues années dans le domaine du développement local sur tout le territoire de l’Union. Chaque organisme lui donne sa propre définition, ce qui porte parfois préjudice à la bonne compréhension des missions et des enjeux de ces structures, mais confère au développement local une légitimité venant du « terrain » et une représentativité de plus en plus importante dans la dynamique de la construction européenne. En Grèce, depuis la fin du régime des colonels en 1974, le réseau des banques agricoles est un des instigateurs les plus innovants et les plus actifs du développement local. Au travers de ses agences locales, des prêts bonifiés sont accordés pour la reconversion des agriculteurs à la pluriactivité (tourisme, service, artisanat, etc.). En Allemagne, le mouvement écologiste se reconnaît dans un développement local qui favorise les ressources endogènes. En Suède, il se fond dans les mouvements civiques très actifs au plan local.
D’un point de vue plus sectoriel, et pour ne prendre que l’exemple de l’enseignement supérieur - public et privé - dans l’Union européenne, il existe à l’heure actuelle plus de cent cinquante formations diplômantes au développement local.
Pour conclure, le développement local en Europe s’entend de nombreuses manières.
Au plan institutionnel européen, c’est un levier d’intervention dans les affaires sociales, une initiative structurelle et un appui aux politiques régionales.
Sur le terrain, toute démarche ayant un caractère multisectoriel et infrarégional se réclame du développement local, tant dans le secteur marchand que non-marchand.
La notion de développement
Au-delà de sa dimension économique, sociale, culturelle, spatiale et durable, le développement est souvent interprété comme un processus de transformation qui accompagne la croissance dans une évolution à long terme. Ce procesus est étroitement lié au concept de progrès, notion centrale de la pensée des Lumières et des courants évolutionnistes.
La notion de local
Elle repose sur la notion de territoire, et les polémiques sur l’échelle de pertinence d’un territoire sont riches, car elles ont plusieurs entrées :
- le découpage administratif, parfois arbitraire et sans correspondance avec la géographie humaine
- l’appartenance idenditaire, qui peut entrer en conflit avec « l’espace vécu »
- le champ d’action, autour d’une coalition d’acteurs du développement
- le système ouvert, qui porte à dire que « l’action ne s’exerce pas sur le territoire, elle le crée »
La dynamique locale
La dynamique locale est un investissement dans la coopération, le dialogue, ce que l’on appelle aussi l’investissement immatériel. Il nous amène à considérer la dynamique locale sous la forme d’un cycle en sept étapes.
- 1. perte de sens
Plusieurs « verrous du développement » peuvent y contribuer : les questions géographiques ou physiques, l’existence de groupes de pression fortement constitués, une expérience négative du passé, un « vide social » ou un « vide d’initiative », des conflits d’ordre culturel.- 2. vision alimentée par l’extérieur
Il suffit parfois qu’un entrepreneur revenant chez lui après une expérience professionnelle ou académique à l’extérieur partage ses questions sur l’avenir de son territoire. A la lumière de son expérience et selon son degré de conviction, il décide de s’impliquer au niveau local avec un autre regard, un esprit critique, un désir de changement.- 3. impulsion concrète
L’éveil de l’esprit critique, appuyée par un diagnostic des besoins locaux pour l’avenir, doit alors trouver des moyens d’action concrets. Cette impulsion concrète peut provenir soit d’appels d’offre publics ou privés donnant lieu à des aides financières subtantielles, soit d’actions locales d’intérêt général (l’organisation d’une braderie annuelle, d’un appel au bénévolat, etc.)- 4. pédagogie du développement
Cà « bouge » ! Pour conforter cet élan, il faut briser les résistances, prolonger les échanges et les dialogues amorcés localement, recadrer les enjeux. La pédagogie du développement repose sur un principe de pondération fondé sur l’écoute, le respect et la confiance, la compréhension et l’adaptation, la transparence et le souci de communication, la remise en cause personnelle et sociale, une nécessaire impulsion forte. Une double logique est à la source de cette pédagogie : le partenariat de gestion, né de la nécessité de coordonner l’organisation concrète d’une dynamique locale, et le partenariat d’animation qui vise plus la construction d’un projet de société.- 5. enjeux partagés
L’ouverture, l’élargissement du partenrait local se motive par une quête de légitimité, la recherche de consensus pour éviter les oppositions au sein du territoire, la recherche d’une extension du champ de compétences et des sensibilités. Plus les enjeux sont partagés, plus la dynamique sera renforcée dans la durée et ses effets ressentis par l’ensemble de la population concernée.- 6. appropriation (institutionalisation)
L’appropriation est une conséquence mécanique du processus. Les enjeux partagés signifient que les gens s’identifient à la dynamique locale et l’intègrent dans leurs stratégies individuelles et collectives. Le processus n’est plus remis en question, il fait partie du quotidien, il s’institutionnalise de manière informelle dans un premier temps, plus formellement quand il est ensuite repris dans les dispositifs de programmation politique au niveau infra-régional, voire de planification au plan régional et national.- 7. transfert des centres d’intérêt
Entérinée par l’échelle administrative, la dynamique locale devient un dispositif abstrait, une méthodologie que l’on discute en haut lieu, une opportunité d’innovation qui s’inscrit dans le contexte élargi d’institutions supérieures. Catalogué comme projet-modèle, il servira les zones d’influence des administrations responsables. Qu’un cycle de développement local sur une territoire donné soit pérenne ou pas : là n’est plus la question. Les centres d’intérêts ont quitté le « local » dont ils s’étaient nourris, l’appui institutionnel est remplacé par la technocratie et les jeux traditionnels du pouvoir.
L’approche en réseau
Au sein d’un territoire, l’approche en réseau se caractérise par le renforcement mutuel des stratégies d’acteurs sous la forme de partenariats locaux.
Trois types de partenariats locaux peuvent exister :
- un partenariat créé à l’initiative des personnes, individuellement. Participation le plus souvent militante, généralement ancrée dans une idendité très forte, tissant peu à peu les bases d’une citoyenneté rénovée.
- un partenariat créé à l’initiative d’entreprises ou plus généralement d’organismes professionnels qui revendiquent une place privilégiée dans les décisions économiques
- un partenariat créé à l’initiative des pouvoirs publics - locaux ou non - qui suppléent à une initiative privée rare ou défaillante.
Les processus d’approche en réseau - mise en place d’une pédagogie de la négociation, laboratoire d’intégration multi-sectorielle, création de savoir-faire, passerelles vers la R&D, essaimage vers d’autres territoires - deviennent des champs d’investigation propres au développeent local et constituent ce que l’on peut désormais appeler la pédagogie du développement.
Toutefois, l’approche en réseau reste une zone floue de l’économie, son existence est reconnue mais beaucoup de notions fausses prévalent à son mécanisme. L’impact de l’approche en réseau sur les sytèmes économiques et sociaux mérite de plus amples recherches.
Conclusions
Deux grands courants semblent se dégager de la multiplicité des discours surle développement local.
Un premier courant est celui qui renvoie à l’analyse systémique. L’action est le lieu d’apprentissage de la concertation.
Un deuxième courant relève d’une certaine conception de la solidarité. Nous l’appelerons le courant solidaire. L’action est le lieu de mise en oeuvre de principes et de valeurs.
L’approche systémique met l’accent sur le rôle des institutions et sur le partenariat public-privé.
L’approche solidaire s’intéresse plus au rôle de l’initiative par le bas, qui s’appuie sur des formes de négociation paritaires, non pilotées par les pouvoirs publics.
Comme nous l’avons vu, le concept de développement local repose sur un acquis théorique pluri-disciplinaire. Les conduites et les actions qui s’y réfèrent tentent de rapprocher la société civile et l’Etat local. Plus qu’un concept, le développement local est un processus d’apprentissage organisationnel, une praxis collective.
Cette page est une version archivée le 02 avril 2006 du site/annuaire horizon local de Globenet.