Subsidiarité Publique

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Bol d'air dans les pratiques démocratiques

Subsidiarité Publique

Préalable : Cet article est un fil dans une réflexion diffuse sur l’impact et la nature même d’une société de réseaux. Il ne prétend ni au raisonnement scientifique, ni à l’exhaustivité du sujet. Au lecteur de le compléter, de le critiquer (cf le forum en bas de page), d’en écrire d’autres versions, de s’en inspirer.


L’économie informationnelle, l’émergence certes progressive mais vigoureuse des réseaux des personnes [1] expriment une mutation des rapports institutionnels qui jusqu’alors fondaient l’activité d’acteurs eux-mêmes dénommés comme tels. Je pense ici à toute la sphère publique ou para-publique d’Etat ou des collectivités territoriales en y incluant les structures de type consulaires et associatives [2] dont le fonctionnement et les référents culturels sont assez proches.

Cette sphère vit économiquement, pour une grande part de ses ressources, sous le régime du transfert de fonds publics, soit qu’elle l’ait en responsabilité de gestion, soit qu’elle en bénéficie fortement sous forme de subventions.

Il serait bien sûr erroné de l’opposer aux sphères privés ou civiles [3] du fait de ressources différentes, car ce n’est pas l’origine de la ressource qui fait la valeur ajoutée de son usage.

Ce qui mérite approfondissement, c’est justement la capacité et les modes d’adaptation des sphères correspondantes, pour continuer, dans une monde en mutation, à produire de la valeur ajoutée collective [4].

Parler de la subsidiarité publique c’est évoquer directement la capacité à faire, à réussir au mieux de l’usage des ressources.

  • Quelles ressources ?
  • Quelles modalités d’usages ?
  • Quels mieux ?
  • Quelles capacités à … ?

Et dans une société de réseaux, qui peut « mieux » que les modes actuels d’organisation, caractéristiques des mondes institutionnels ou des corpus politiques ?

1- Rappels sur la notion de subsidiarité et déclinaisons imaginables dans une société de réseaux.

1.1- Le principe en lui-même.


Dans un article du Monde diplomatique Maastricht entre le refus et la fuite en avant - Le principe de subsidiarité : enjeu majeur, débat confus, Monique Chemiller-Gendreau, nous livre quelques repères sur le concept « dans la ligne de Thomas d’Aquin » :

« L’échelon le plus bas n’abandonne à l’échelon supérieur que ce qui est strictement nécessaire, et a contrario la compétence de la collectivité supérieure s’étend aux fonctions qu’elle peut remplir de manière plus efficace que les communautés de base. Il s’agit donc d’un principe de répartition mobile des compétences. Rien n’y serait préfixé. C’est le principe d’efficacité qui, à un moment donné, entraîne telle ligne de répartition. L’enjeu n’est pas la souveraineté car, dans une construction fédérale, il n’y a qu’un seul souverain. »

  • Ainsi, par similitude, le réseau (échelon « supérieur » de partage de l’intérêt général) se substitue aux institutions publiques ou para-publiques (échelon de base ?) ou co-produit avec elles, par principe d’efficacité.
  • Mais chacun se demandera, pourquoi le « réseau » serait-il un échelon « supérieur » ?

J’invite ici le lecteur à parcourir un ouvrage important de Marcel Hénaff en notre début de siècle qui traite du partage - Le prix de la vérité - [5] et à méditer la phrase suivante « Faire communauté, c’est devenir une société de com-munia, c’est à dire de dons (munia) partagés. » ; ou encore « La finalité du don n’est pas la chose donnée (qui capte l’attention de l’économiste), ni même le geste du don (qui fascine le moraliste), il est de créer l’alliance ou de la renouveler ».

Ce que Gérald Sfez exprime ainsi dans la revue Esprit : « Ce qui compte du point de vue du noème du don cérémoniel, c’est le premier geste, celui du défi adressé à l’autre d’entrer en reconnaissance, l’appel qui lui est lancé, depuis le don non d’un bien mais de soi-même ou de quelque chose de soi qui en tient lieu, qui oblige l’autre à en faire »autant« , non dans une égalité proportionnelle des présents, mais dans une asymétrie tenant à l’inévaluable et qui vaut signe de reconnaissance. »

  • Les pratiques en réseau, autour de la construction d’un intérêt général et par création d’une communauté ad hoc travaillant dans un esprit de partage et de don mutuel (cf ci-dessus) exprimeraient-elles une modalité opérationnelle pour conduire, par le principe de subsidiarité, la quête de l’intérêt général sur un sujet donné ?
  • Le lecteur pourra également appréhender cette « supériorité » du réseau à la lecture de l’ouvrage de Solveig Godeluck - la géopolitique d’internet - [6].

« Le cyberespace doit donc s’analyser en fonction des liaisons dynamiques qui s’établissent entre les internautes (courriel, forums, messagerie instantanée..), entre les sites (hypertexte, adresses Ftp…) et même entre les machines (serveurs cache, intelligence artificielle et moteurs de recherche, peer-to-perr). »

« Les communautés virtuelles sont même caractérisées par le »lien faible« qu’elles permettent d’entretenir : les amis sont lointains, on ne les croisera peut-être jamais, on ne leur dévoile qu’une partie de ses opinions, et on les fréquente pendant un temps limité. Cette mutation de la convivialité en »relation individualisée à la société « est une façon de restructurer le lien social lorsque les familles sont nucléaires, le travail sur mesure, les institutions en crise, bref, à l’âge de l’ »individualisme en réseau« . Plutôt que de désigner la communauté virtuelle comme acteur géopolitique du cyberespace, il est plus juste de considérer l’internaute comme un »colon« du virtuel, certes rattaché à une immense colonie, mais doté d’une légitimité et d’un pouvoir isolés. Il lui arrive, par la suite, de s’allier pour accroïtre ses forces. »

  • Les pratiques de réseau en communauté… ne seraient-elles que le fruit d’individualismes en réseau, paradoxe pour un intérêt général qui se veut « au-delà » des intérêts particuliers…
  • Il faut ici prendre connaissance de l’article de Jacques Ion « Le temps de l’engagement pluriel » dans la revue Sciences humaines [7] et méditer quelques extraits :

« Notre société est certes profondément transformée par un processus d’individuation, qui tend à dissoudre les collectifs au sein desquels l’individu se trouvait défini…. Mais ce processus d’individuation n’est pas forcément synonyme d’une montée des égoïsmes ».

« Il s’agirait moins aujourd’hui de se battre pour des lendemains meilleurs sous l’auspice du »progrès« que de se prémunir ou conjurer de nouveaux risques envahissants (pauvreté, sacage de la planète, tensions internationnales…) »

« L’idée du risque, si prégnante actuellement, aparaît comme un moteur de la mobilisation. »

« Les transformations actuelles dans les modes d’engagement à la fois traduisent et induisent une recomposition des rapports entre espace public et sphère politique, pour des raisons qui tiennent simultanément aux transformations des rapports privé-public et à l’affaiblissement du particularisme français qui a longtemps mis les engagements dans l’espace public sous la tutelle du politique. »

  • La simple actualité des grandes catastrophes, celle encore qui fait au quotidien la désarticulation des économies et des territoires… invitent également et plus prosaïquement à rechercher d’autres modes de production de la valeur ajoutée collective, pour tenter de « sortir » d’un intérêt général produit sous la seule autorité des logiques institutionnelles, fut-elle le fruit d’une organisation donnée de nos démocraties.

« A l’idée selon laquelle l’Etat a le monopole de l’intérêt général il faut opposer un partage républicain de l’engagement. La politique, selon les uns, l’Etat, selon les autres, croyaient avoir le monopole de l’intérêt général. Or le médecin, l’entrepreneur, le syndicaliste sont aussi porteurs d’une part de l’intérêt général dans la société. La politique s’est faite excluante, considérant qu’elle était la seule à avoir la noblesse de la représentation de l’intérêt général. Mais cette noblesse-là est remise en question : l’intérêt général est partout dans la société, il faut le libérer. Que l’Etat trace la route, mais qu’il laisse les acteurs de l’intérêt général s’exprimer. »

  • Il faut bien sûr explorer les champs de cette substitution, les modalités pratiques, les finalités en termes de décision et de responsabilité. Ceci sans oublier un facteur important et de souplesse : la notion de mobilité de la subsidiarité.

Au fond rien n’est acquis dans un sens ou dans l’autre et c’est ce qui peut conférer au principe de subsidiarité un facteur positivant et stimulant dans l’exploration des nouvelles pratiques.

En replaçant ainsi le principe dans un contexte de réseau, nous commençons à cerner de premières réponses aux questions initiales sur les ressources, les modalités d’usages, les mieux, les capacités à …

1.2- Sur l’interface avec l’ordre juridique, Monique Chemiller-Gendreau, poursuit :


« On sait ce qu’il en a été dans les faits et par le travail des juges de Luxembourg. Bien avant le débat ouvert par le projet de Maastricht, l’ordre juridique communautaire s’imposant aux Etats, pénétrant leurs instances nationales de décision, n’était plus le fruit du simple exercice par l’Etat souverain de sa compétence internationale, mais le bras d’une limitation dynamique des compétences nationales par effacement graduel de la compétence étatique. »

  • L’ordre juridique correspondant pourrait se construire sur l’expérimentation, en travaillant en quelque sorte sur deux éléments de doctrine : d’une part les principes de fonctionnement du réseau internet, d’autre part les repères existants sur le principe de subsidiarité. Pensons en particulier à l’exploration de ce qui pourra donner « nouvelle légalité » à l’entité de la subsidiarité (le pendant de la notion de traité par ex à l’échelle européenne, les notions de contrats ou de délégation de service semblant insuffisante en l’espèce). N’oublions pas que le droit traduit, plutôt à postériori, de nouvelles pratiques, ce qui, vu l’évolution rapide de ces dernières sur le sujet présent, risque de donner à la jurisprudence une sérieuse longueur d’avance sur la loi ou le réglement.

Dès lors, dans une société de réseau c’est tout le processus juridique qui est en interpellation et par voie de conséquence les frontières actuelles de la notion de légalité.

1.3- Tentons le parallèle des formulations


Dans son volet « européen » le principe de subsidiarité est formulé ainsi :

« La Communauté agit dans les limites des compétences qui lui sont conférées et des objectifs qui lui sont assignés par le présent traité. Dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la Communauté n’intervient, conformément au principe de subsidiarité, que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les Etats membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire. L’action de la Communauté n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs du présent traité. »

Ce qui par similitude pourrait donner :

  • « Les réseaux agissent dans les limites des compétences qui leur sont conférées et des objectifs qui leur sont assignés par les présentes pratiques. Dans les domaines qui ne relèvent pas de leur compétence exclusive, les réseaux n’interviennent, conformément au principe de subsidiarité, que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les seuls Services dits publics ou para-publics et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, être mieux réalisés au niveau des pratiques de réseaux. L’action des réseaux n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des présentes pratiques. »

1.4- Que sont donc ces réseaux… et quelles sont leurs prétentions ?


Pour des acteurs « classiques institutionnels », l’atomisation du réseau internet, les imaginaires et fausses idées qui l’enjolivent ont de quoi faire peur ou pour le moins décontenancer.

Si l’on fait rapidement abstraction des espaces purement marchands ou simplement vitrine d’organisations publiques ou privées, le réseau bruisse de lieux anonymes ou reconnus, individuels ou de communautés, fugaces ou d’une certaine pérennité. Dans ce maelström de la toile, ce qui dérange sont les lieux de paroles incontrôlables … ceux où il faut d’abord être soi-même avant d’être le porteur d’une parole institutionnelle, ceux où les grandes phrases, les styles d’écriture, le rythme des échanges n’ont rien d’une procédure, d’un langage unique et d’une terminologie absconse.

Aujourd’hui les lieux de paroles (traditionnellement forums ou listes de diffusion ou chats) se diversifient avec l’émergence rapide des espaces dits « collaboratifs » où chaque internaute peut « produire » son information et « porter » son commentaire en direct sur le propos d’un autre.

  • Ce réseau, ces réseaux n’ont donc en tant que tels aucune prétention… sauf qu’ils sont là [8].
  • Ces réseaux n’existent que par leur fréquentation comme lieu d’expression avec plus ou moins de débats ou encore comme lieu de capharnaüm de la connaissance des civilisations petites ou grandes et des petits tracas ou hobies de la vie quotidienne.

Mais là encore pour un interlocuteur des mondes institutionnels publics ou para-publics (dont les référents sont en général déterminés et donc « finis », l’incertain s’accomodant mal avec l’institution), il y a de quoi ne pas savoir par quel bout prendre la chose, la prise de parole sur internet ne coûtant quasiment rien et n’exigeant aucune autorisation.

Les acteurs « classiques » institutionnels ont ainsi tenté de contourner l’obstacle en cherchant « un » interlocuteur disposant d’une « représentation légitime » : internautes élus, désignés, tirés au sort… ou via la fameuse terminologie d’Ong [9] ; mais voilà, le réseau internet n’est pas en soi une logique d’organisation.

IL n’est pas Un mais Multiplicité…

Certes comme en tout lieu, il y a les « faire-valoir », les « techos », les « représentants d’eux-mêmes », les « grandes-gueules », les voyeurs, les bonimenteurs en tous genres, les besogneux, les talentueux, les entreprenants… - il y a aussi beaucoup de silencieux - , mais cela ne fait pas une organisation ; plutôt des espaces de solidarité plus ou moins temporaires, fruit d’alliances d’opportunités dont la seule durabilité tient dans leur instabilité même qui oblige régulièrement à en revoir la pertinence.

  • En définitive il y a des réseaux, des personnes … partageant de façon indépendante, un substrat technique, relationnel, émotionnel, sémantique… dont les codes sont connus et « re-connus » via ce que l’on appelle communément la netiquette [10].
  • Ainsi se forge une culture réseau, des pratiques par capillarité et recoupement… base sans doute d’une civilisation réseaux plus diffuse, atomisée que nous ne l’avons jamais connue.

Jacques Ion [7] s’exprime ainsi : « Ce que l’on constate, c’est que les groupements naissants sont de moins en moins insérés dans des réseaux verticaux organisés, et que ceux qui subsistent tendent à distendre leurs liens hiérarchiques avec les niveaux supérieurs… ».

Ou encore à propos des pratiques associatives « l’affirmation d’un processus général d’affranchissement aussi bien des appartenances, que des affiliations fédératives ou des statuts, qui aboutit à transformer les réseaux verticaux de groupements en réseaux horizontaux de personnes. »

En matière d’engagement « on notera que le »zapping« a là aussi de plus en plus cours, et qu’à l’adhésion durable quasi irréversible … se substitue l’engagement ponctuel… »

« Il convient alors de parler de groupements-réseaux d’individus ».

1-5- Appliquer dans ce contexte le principe de subsidiarité, semble une gageure.


Il est probable en effet que la tendance naturelle des interlocuteurs institutionnels sera de freiner la subsidiarité publique puisqu’il semble (de leur point de vue) ne pas y avoir « de parties » capables de « contractualiser » ou autres formules… Ce comportement se retrouvera aussi chez certains « habitués » des réseaux qui dénieront, sans chercher plus avant, aux premiers tout droit ou toutes capacités à « interconnecter » sous prétexte de leur inefficacité « bureaucratique » voir de leur incompétence !

  • Raisonner ainsi serait faire preuve d’esprit étroit car ces « parties » existent de façon atomisée sur le réseau. On les retrouve dans tel processus innovateur au sein des organisations dites « publiques » (au niveau de l’information, du débat, de procédures) Cf l’exemple Rn19.net [11]. Elles émergent aussi du réseau lui-même dès lors qu’une catastrophe (cf les marées noires, les tempêtes, les famines) ou un enjeu collectif s’exprime (cf les projets de loi sur la liberté, les condamnations d’hébergeurs ou d’animateurs de sites, les négations de l’évidence, les joutes oratoires - par l’écrit ! - qui régulièrement font découvrir le continuum des idéologies que véhicule le réseau ou les stratégies d’individus voir de groupes).
  • L’internet ne serait-il alors qu’un « repaire » d’activistes, individualistes, idéalistes… avec lesquels il faudrait apprendre à partager la construction de l’intérêt général via le principe de subsidiarité ; à moins qu’il ne soit aussi le « repaire » d’innovateurs « activistes » et « marginalistes » des sphères dites institutionnelles ?

Personne ne peut prétendre avoir la réponse, sauf à prôner non la diversité des pratiques mais un semblant d’idéologies aux confins de cette pensée unique tant décriée qui est la lie des démocraties.

Ici il est intéressant d’évoquer à la fois la construction des Portulans, ces cartes que les marins enrichissaient à chaque voyage… mais aussi ces terra incognita dont la littérature nous parle [12] ou encore récemment l’évolution du regard sur les ressources humaines , sur ce qui fait la création de valeur dans l’entreprise : « Les relations interindividuelles émergent progressivement comme les nouvelles clés de l’avantage concurrentiel… Les facteurs de succès de l’entreprise reposent sur l’adéquation des comportements, la qualité des relations entre les individus… et la capacité à coopérer » ; et aussi « Ce qui est rare à présent, ce n’est pas le capital, l’accès au marché, les compétences ou les technologies. Ce qui ne peut s’acheter, ce sont les relations entre ces facteurs, la façon de coopérer » [13] .

Dans ces contextes, il y a une progressivité… et une exploration rythmée, dangereuse ou sereine, de ce qui fera demain, l’horizon. S’y associe alors les personnages de roman, un langage plus ou moins ésotérique, quelques règles du jeu… et sans doute cette soif d’ailleurs, de ces découvertes, dont le fameux livre de Boorstin signe avec brio l’épopée [14].

Explorer les pratiques de la subsidiarité publique suppose alors que des femmes et des hommes osent se retrouver avec force autour de l’intérêt général, nonobstant leur statut social, à l’image de ces aventuriers dont nous parle François Bellec : « Leurs journaux de bord, leur correspondance et les récits de leurs compagnons ont la fraîcheur des émotions sincères, des émerveillements qu’amplifiait le superlatif convenant aux mondes nouveaux. On peut y lire leurs motivations nobles, leur fierté parfois arrogante, leur assurance, leur triomphe et leur gloire. On y déchiffre aussi, entre les lignes, leurs doutes, leur lassitude, leurs peurs, leur désarroi, leurs échecs et parfois leur détresse ».

2- Exclus en partage.

2.1- Les nouvelles légitimités


De nouvelles légitimités s’expriment en dehors et au-delà des mondes institutionnels, éventuellement en marginalité ou en interpellation des règles de la légalité d’une époque.

  • Qu’est-ce qui est légitime ou légal à l’intersection de deux époques ?

Cela semble être surtout des légitimités fruit d’internautes posant des actes individuels ou de communauté. Mais cette légitimité ne se pose pas comme dans le monde institutionnel, au regard d’une fonction sociale, d’un attribut de pouvoir réglementaire ou autre….

Non cette légitimité c’est peut-être ce que le langage courant dénomme « être dans son bon droit »… La formule ne se référant pas au droit légaliste, mais au droit qui nous vient de la morale, des mœurs d’une époque.

Et cette légitimité utilise paradoxalement des règles classiques de la propriété privée puisque les paroles porteuses de cette légitimité nouvelle s’exercent, sur le réseau internet, par le biais de noms de domaine acquis pour soi-même ou utilisés en partage pour exploiter des forums, des espaces collaboratifs.

  • La légitimité nouvelle est dans la fréquentation des lieux de paroles et à ce titre, elle se fonde sur des principes connus de la re-connaissance mutuelle : le nombre. Il faudrait y ajouter deux aspects très importants sur l’internet : les liens entre les paroles (notion de référencement mutuel) et la vitesse de diffusion des informations (l’instantanéité).

Le tout constituant une capacité, un mode d’exercice différents dans la capacité à faire « groupe de pression »…

  • La légitimité est aussi dans la transparence et l’évaluation ce qui tient autant de la méthode que des faits. De ce point de vue, il faut :
  • s’interroger sur la transparence toute relative qui accompagne la préparation comme les débats sur les grands projets d’équipements collectifs. On ne peut plus, ne pas s’étonner que d’un côté l’institution « publique » dispose de moyens financiers et techniques importants pour préparer son point de vue, alors que de l’autre, les acteurs aussi de l’intérêt général (tel qu’affirmé par le Premier Ministre cf ci-dessus) disposent de leur seule énergie individuelle ou collective. Il faudra bien un jour « redistribuer » la ressource en termes d’usages.
  • La légitimité c’est enfin « être de son temps » dans l’usagedes outils d’aujourd’hui. En d’autres termes, la légitimité tient ici à la capacité productive des réseaux, de ces « individuations agrégées » qui forment « com-munia ». Au cours des derniers mois, il est clair que l’explosion d’usages des logiciels collaboratifs du libre comme Spip, tissent la trame d’un rapport de force publique qui va bouleverser bien des certitudes ou des décisions. Gratuitement, ces « individuations agrégées », par leur pratique du don mutuel d’informations et d’énergies, disposent de la puissance des institutions, non en droit ou en financement, mais en faits, en capacités d’interpellation et de mobilisation.

En conclusion je donne à nouveau quelques repères proposés par Jacques Ion [7] : « Au fur et à mesure que le je se voit reconnu comme acteur public, les qualités personnelles ne sont plus tues ; elles sont au contraire valorisées. A rebours de la tradition républicaine qui ne concevait que l’expression d’individus anonymes, déliés de leurs attaches et débarrassés de leur singularité, le je s’impose comme être affects publicisables ».

2.2- Regardons sur les bords des chemins


Pour éviter que les Ntic ne soient les « Nouvelles Technologies de l’Isolement et du Cloisonnement » comme l’évoque certains à juste titre, il faut aussi avoir conscience que chaque époque laisse sur le bord du chemin ceux qui manquent d’énergie pour des raisons diverses (énergie personnelle - physique, intellectuelle, morale… - , énergie financière, statut social, etc…).

Sur la question de la subsidiarité publique, regardons les situations sans faux-fuyants :

  • Agir pour faire mieux ne suppose pas forcément la disparition de celui qui fait « moins bien ».
  • Certes la subsidiarité publique serait une mutation dans le mental de nombres d’interlocuteurs des mondes institutionnels ; mais l’idée même du mouvement n’est pas absente de ces mondes. Ils ont souvent eu recours au termes de « progrès », certes un peu vieillot de nos jours.

La subsidiarité publique n’est pas forcément un besoin pour les personnes travaillant en réseau. Elles ont appris en quelque sorte à contourner l’éventualité, justement en faisant jouer les réseaux (cf les raisonnements ci-dessus) en termes de mobilisation et de savoir partagé.

Elle est par contre, peut-être une question d’identité (plus que de survie) pour les personnes travaillant dans les mondes dits institutionnels publics ou para-publics. Aujourd’hui en effet dans notre société de réseaux, leur statut n’est plus gage de re-connaissance.

  • Agir avec le principe de subsidiarité publique est sans doute une des nouvelles façons de servir l’intérêt général. C’est donc un choix personnel plus qu’une question de capacité. De plus, agir dans un autre contexte - celui des réseaux - révèle souvent des potentiels importants chez les uns ou les autres.

En résumé, celle ou celui qui restera au bord du chemin de la subsidiarité publique, l’aura voulu en pleine conscience.

Attention que l’on n’oppose pas le traitement institutionnel d’un sujet qui viserait tous les citoyens et un traitement par subsidiarité publique qui, par défaut d’énergie de certains, ne pourrait toucher que les internautes en réseau. Agir en subsidiarité publique ne préjuge pas des potentiels à utiliser (l’internet n’est qu’un des modes !).

Ce raisonnement est récurrent et sous-estime les questions de rapports de force évoqués ci-dessus en matière de légitimité. Il prend souvent appui sur une logique d’action institutionnelle qui n’a pas suffisamment conscience de l’échange inégal que constitue la répartition actuelle des moyens financiers et techniques au prétexte qu’elle détiendrait seule les repères de l’intérêt général.

2.3- Offrons la souplesse des mutations


Les textes sur la subsidiarité montre bien que le principe « permet un déplacement sans procédure particulière de la ligne de répartition des compétences » entre les Services institutionnels publics ou para-publics et les réseaux.

  • Cette souplesse dans l’évolution, est un atout pour dégager l’horizon des pratiques mutuelles. Il s’agit de faire mieux donc de tenter d’agir ainsi, chacun restant libre de son appréciation. Le mieux n’est pas une donnée absolue, c’est un processus exigeant de partage et sans doute de mutualisation des énergies et des connaissances. Il ne s’agit pas d’une ligne de rupture [15] mais d’une ligne de répartition. Chacun des personnels des institutions publiques ou para-publiques peut donc y trouver sa place. C’est une question de volonté et d’ouverture d’esprit.
  • Certes le principe débouche sur la prise de décisions : l’un des vastes chantiers à découvrir en termes de coopération. C’est bien en cela que le principe de la subsidiarité publique interfère avec les pratiques démocratiques. Nous sommes passés du monde de la « démocratie censitaire » à celui de la démocratie « élective »… aujourd’hui on parle davantage de « participative », de « délibérative »… D’autres mots sont à l’évidence à inventer !
  • Le principe fait aussi sans doute voler en éclats la fameuse règle de l’unicité de la parole publique, si chèrement acquise lors du travail « interministériel » ou inter-sectoriel, au titre d’un intérêt général. Dans un processus de subsidiarité publique, la question est moins de trouver une règle de l’unicité, que de « faire mieux ». Le mieux pouvant en l’espèce ressortir justement de l’éclosion des diversités dans le traitement de l’intérêt général. La diversité n’étant pas forcément le particularisme.
  • Le principe pose aussi la question des interactions de personnes et non plus des rapports codés d’une institution avec des « usagers », des « administrés », des « clients », des « citoyens »… C’est une des donnes importantes de la société en émergence. Il deviendra difficile de qualifier chacun, si ce n’est par rapport à lui-même, à son potentiel et non plus par son seul statut. Sans doute là encore un autre apprentissage progressif du « vivre ensemble » et du contexte de détermination de l’intérêt général.
  • Le principe interpelle enfin l’échelle même des sujets en débats ou en décisions. Les mondes institutionnels raisonnent souvent à des échelles de territoires, de projets, de thématiques qui sont le reflet de leurs propres réseaux institutionnels ou corporatistes. En définitive nous sommes sur des échelles tautologiques !.

Dans une approche de subsidiarité publique via des pratiques de réseaux, il y a une diversité d’échelle et donc une difficulté à circonscrire le sujet sauf à en accepter justement les diversités.

3- Progrès en partage.

3.1- Subsidiarité et co-production


La subsidiarité évoque directement la capacité à faire, à réussir au mieux de l’usage des ressources.

Les pratiques de co-production de l’information et de la décision, actuellement en vogue sur le net, semblent donner quelques pistes :

  • capacité à faire davantage « le tour » d’un sujet en diversifiant les regards,
  • liberté d’expression et vigueur des débats,
  • production de décisions par l’émergence de tendances dans tout débat public de qualité.

Par contre, il faut être sans ambiguités sur la situation présente.

Bien peu de nos concitoyens, bien peu de salariés des institutions publiques ou para-publiques sont en capacité de venir co-produire un principe de subsidiarité.

L’absence de tout effort pédagogique sérieux dans les activités institutionnelles, le traitement de l’information par les médias ont sans doute fortement « déculturisé » les individus. Ici les hommes de l’art, là les politiques, ici encore les intellectuels… se sont dépensés sans compter au cours des dernières décennies pour survivre égoïstement en édulcorant l’information et la connaissance partagée.

Paradoxe aujourd’hui dans l’usage de ce mot « réappropriation » largement usité par le monde des décideurs institutionnels (vous noterez déjà le préfixe « ré ») ou dans un autre domaine, la vogue de la replantation des haies (à nouveau le « re ») après avoir vu la désagrégation des territoires cultivés !

En effet comme le dit Philippe Quéau dans un article sur Intérêt général et propriété intellectuelle  :

« Il est plus avantageux pour l’humanité de faire circuler librement les idées et les connaissances que de limiter cette circulation. Aristote affirme que l’homme est l’animal mimétique par excellence. Pour Condillac, »les hommes ne finissent par être si différents, que parce qu’ils ont commencé par être copistes et qu’ils continuent de l’être.« Pour le philosophe Alain, »copier est une action qui fait penser«  »

  • Ainsi donc toute la logique historique des actions institutionnelles porteuses d’un intérêt général consistant à « s’approprier » les connaissances pour inviter les individus à se « réapproprier » les choix… serait un « désavantage » pour l’humanité.

Intéressant que le décalage soit ciblé par le Directeur de la division de la société de l’information à l’UNESCO.

Oui faire penser

Là est peut-être un des enjeux majeurs de la subsidiarité publique !

Dès lors, ce mimétisme compris comme un processus pédagogique accompagnant les performances et le rythme de chacun, rejoindrait bien cet autre extrait du texte de Jacques Ion [7] à propos du syndrome Nimby [16] : « Il n’est pourtant pas assuré que ces mobilisations locales puissent être simplement désignées comme égoïstes. Sans forcer le trait, on peut au contraire montrer que ces groupements se révèlent des lieux importants d’apprentissage et de socialisation politiques. »

Pour autant, si le mimétisme reste une perspective crédible [17] , il ne faudrait pas en tirer comme conclusion que l’expression de nos concitoyens est à la porte de la subsidiarité publique.

On glose d’ailleurs beaucoup ces temps-ci sur les réseaux des personnes (et on y trouve des repères utiles Cf en particulier Atelier 5 Rencontre des réseaux de personnes : le travail en réseau, ) à l’occasion de la manifestation d’ Autrans 2003, mais il faut être réaliste. Nombre de ces réseaux de personnes ne sont que l’expression d’une énergie, étonnante il est vrai, de quelques leaders du réseau internet. L’effet masse n’est pas encore au rendez-vous.

Par contre, il faut rester très attentif aux mutations technologiques qui portent en germes de véritables conflits de pouvoirs. Jérémy Rifkin s’en fait l’écho dans un article évoquant la substitution de l’énergie hydrogène à l’énergie du pétrole [18] : « Il est possible de reconstruire une infrastructure économique basée sur une production décentralisée de l’énergie qui soit plus compatible avec des aspirations politiques à la démocratie que le présent système. Mais la décentralisation n’est qu’une possibilité. Il y aura une lutte très sévère pour savoir qui, des compagnies d’électricité ou des consommateurs finals organisés en réseau, aura le contrôle du nouveau régime énergétique ».

  • Donc dégageons bien ce qui est une tendance lourde de notre société si l’on en croit les citations extraites ici et là, d’une opérationnalité performante.

Par contre, on ne peut nier le fait que l’absence de subsidiarité publique renforce l’éclatement de notre société en parcellisant les espaces où la prétention à l’intérêt général rejoint en réalité les intérêts particuliers de quelques leaders. Une autre forme de corporatisme par le réseau.

3.2- Subsidiarité et responsabilité


Encore une citation « Le principe de subsidiarité poursuit deux objectifs opposés. Il permet d’une part à la Communauté d’agir, lorsque les mesures prises isolément par les États membres ne permettent pas d’apporter une solution suffisante. D’autre part, il entend préserver les compétences des États membres dans les domaines qui ne peuvent être mieux régis par une action communautaire. L’introduction de ce principe dans les traités européens devrait permettre aux décisions communautaires d’être prises à un niveau aussi proche que possible du citoyen. »

  • Dans cette esprit, il faut considérer que responsabilité partagée et subsidiarité publique autour de l’intérêt général sont indissociables. Par conséquent pourquoi ne pas imaginer un « fait constituant » l’acte de subsidiarité créant la responsabilité puisque la subsidiarité ne peut ni être octroyée ni être appropriée. Ce fait constituant serait par exemple le vote démocratique intervenant au terme d’un libre débat public (dans l’esprit de ce qui est indiqué via la charte du même nom ) entre des parties présentes. En somme donner naissance aux Tables de la Subsidiarité, temps fort du « vivre ensemble ».

3.3- Subsidiarité et intérêt général


Le rapprochement a été esquissé ici et là. Cependant il faut préciser trois points :

  • Nous savons tous que l’intérêt général n’est pas la simple somme des intérêts particuliers. Par contre, il peut relever d’une simple somme d’énergie de particuliers. Soyons attentifs à ce commentaire de l’ Observatoire des Usages de l’Internet intitulé « Passions partagées et intérêt général » [19]

« Cette initiative montre qu’Internet permet à une petite association disposant de faibles moyens financiers mais de compétences et d’enthousiasme, d’agir plus rapidement et plus efficacement que les structures en place pour recueillir et diffuser une information d’intérêt général. »

  • L’exercice de la subsidiarité publique doit aussi s’examiner dans une relation à la diversité des approches de l’intérêt général dont on trouvera une rapide analyse sur une des pages personnelles de Denis Collin proposant au lecteur un certain regard pédagogique sur un texte de Cicéron (extrait de « De officiis » — III, VI).

3.4- Reinventons et partageons le sens du « Servir Collectif »


La constitution civile de réseaux se développe via le web, à l’initiative de quidam. Selon les centres d’intérêt, la capacité à informer ou à mobiliser comme les sujets sont plus ou moins en relation avec le Servir Collectif de l’intérêt général.

Ces réseaux ne semblent pas particulièrement préoccupés par la présence ou non d’individus appartenant aux institutions publiques ou para-publiques. Ils ne se posent pas la question de savoir s’ils sont usagers-citoyens ou clients-usagers !

A la différence sans doute des tentatives de « partage » engagées par exemple sur le forum pour « donner la parole aux acteurs d’une e-administration et dont il est amusant d’y lire des phrases comme  »En espérant notamment que les sujets évoqués dans ce forum soient aussi pris d’assaut par ceux qui sont les plus concernés : tous les usagers-citoyens qui, plus par nécessité que par plaisir, ont très régulièrement besoin d’entrer en contact avec notre chère administration. L’administration (et tous ses agents) n’est pas forcément la mieux placée pour trouver les solutions ! Elle a besoin de toutes les bonnes idées, et spécialement de celles de ses clients-usagers !"

Sans doute, sans doute… mais la question n’est plus de mettre du « e » dans l’administration ! Le retard est pris, on ne peut que tendre à le combler.

L’avenir des millions de salariés actuels des institutions publiques ou para-publiques est un enjeu, car la compétence n’est pas toujours au top et leur relation aux réseaux est encore trop empreinte soit de paresse intellectuelle, soit de contextes hiérarchiques inadéquats. Mais certains sont en avance, d’autres peuvent progresser. C’est affaire de mental, et d’ambition car chacune et chacun d’entre eux doit désormais trouver sa place dans cette société en réseaux des personnes. Espérons qu’ils sauront ne pas rater le coche. La subsidiarité publique est probablement une des modalités opérationnelles pour entreprendre de découvrir l’avenir.

4- Elargir son horizon et changer de rythme.

4.1- Subsidiarité et décentralisation


La décentralisation organise les rapports de pouvoirs entre des institutions présentes dans la Constitution. Il en est en quelque sorte de même pour les textes de type loi Voynet ou Chevénement.

Le principe de subsidiarité publique n’a pas à se préoccuper de la chose. Il est dans le domaine de la « performance » (le faire mieux que l’existant) de l’action, non de l’organisation des pouvoirs entre institutions.

Par contre, on peut considérer que les nouveaux droits à l’expérimentation des textes sur la décentralisation soient des occasions pour explorer les pratiques de la subsidiarité publique.

4.2- Quand « faire subsidiarité » ?


Comme nous l’avons vu, l’exercice de la subsidiarité publique suppose la rencontre d’un objet social sur lequel mieux faire et de parties décidant au terme d’un libre débat public d’assumer la responsabilité partagée de l’intérêt général.

Le « quand » est donc d’abord une question d’opportunité, de contexte, de situation, de volontés des parties… Là où le désir de vivre ensemble rencontrera celui du « faire ensemble ».

4.3- Subsidiarité et pratiques de réseaux


La subsidiarité publique ne signifie pas effacement de l’un des acteurs… mais passage du traitement de l’intérêt général sous un mode d’exercice institutionnel à un mode d’exercice en réseaux d’individualités assumant conjointement les responsabilités associés.

4.4- Subsidiarité et modes d’organisation


Sur ce point, il faut rester l’esprit ouvert et cerner par l’expérimentation les organisations les plus pertinentes sans se limiter aux modes juridiques existants. Ces derniers ont en effet été construit dans les moules culturels et conceptuels du 19e ou du 20e voir avant.

  • Le point de départ de tout mode d’organisation restant le désir de faire ensemble, non « l’affectio societatis » mais « l’affectio com-munia »… celui de faire communauté (cf Marcel Hénaff) au service de l’intérêt général.

Ainsi pour engager une subsidiarité publique, il faut en quelque sorte constater cet « affectio com-munia » et non l’existence d’une structure d’organisation quelconque.

Cela signifie que pour engager un processus de subsidiarité il n’y a pas forcément besoin d’utiliser un mode juridique donné. Ce dernier peut être le résultat d’une pratique expérimentée et non un préalable incontournable. Le travail de personnes en réseaux n’impose aucune entité juridique, mais exige au contraire de s’entendre pour pratiquer la subsidiarité en utilisant des potentiels de type collaboratifs (cf par exemple Vie, coutumes et usages du Weblog au XXI° siècle ou encore Outils et Pratiques Coopératifs Libres - Une Année Florissante).

  • Le mode opératoire de « l’affectio com-munia » étant d’abord une pratique de réseaux.
  • Il est sans doute aussi possible de faire référence au « principe de régulation » qui vient de faire son entrée au Conseil Constitutionnel à l’occasion de la loi de Finances [20] :« Il définit la régulation comme une fonction d’ajustement d’une norme générale à un contexte donné ».

5- Champ d’expérimentation et de découvertes mutuelles.

5.1- Comment inventer ce mode de « faire ensemble »

… qui ne soit pas l’abandon à un autre (nouvelle altérité) mais expression et gestion de ce qui est commun, et de ces compétences qui croissent et débordent ce qui était initialement prévu ?

S’agissant d’un espace à découvrir, il faut y laisser place à l’innovation, l’inventivité et non la simple reproduction de modèles ou d’approches idéologiques, ou simplement gestionnaires de processus.

  • Il faut pratiquer, à l’inverse de nombre de « discoureurs » sur la modernité.

5.2- Champ d’application de la subsidiarité publique


Sans viser l’exhausitivté, peuvent être évoqués :

  • les pratiques de consultation, d’information autour des grands projets d’équipements collectifs.
  • la construction des systèmes d’informations de proximité, géographique ou non.
  • le champ d’exploration de l’ingénierie des réseaux numériques.

et celui de l’accélération pour réussir le basculement de la société française dans une société de réseau hauts débits, champ des compétences partagées…

  • plus prosaïquement tout le champ de ce qui fait l’intérêt général de proximité….

Pour résumer, le champ d’application du principe de subsidiarité ne devrait pas être clairement délimité. Il sera donc naturel que s’exprime ici et là des divergences d’interprétation.

Simplement ce qui fera un « bornage » dans les champs d’application sera la notion de l’intérêt général dont les fondements juridiques et constitutionnels sont tracés. A défaut, il revient aux systèmes judiciaires de rendre justice et donc champ d’application. La question demeurant de savoir qui, entre les tribunaux civils ou administratifs, sera compétent en matière de subsidiarité publique ?

Conclusion


Agir en matière de subsidiarité publique serait probablement adopter la posture de celui qui :

  • doute,
  • écoute les certitudes, voir les idéologies,
  • aura conscience des attentismes en tout genre,
  • tiendra compte des pluriels…

Les moins :

  • La subsidiarité publique rend plus perméable la limite, classiquement intangible, entre l’acteur public en charge de l’intérêt général et le reste de la société. Mais de ce fait, elle remet en cause une grande partie des pratiques et du mental de salariés publics comme des forces politiques associées, habitués à voir le champ de la décision publique être de leur ressort.
  • La subsidiarité publique pose la question du travail des personnes en réseaux agissant en toute transparence. De ce fait, elle interpelle les pratiques corporatistes classiques des divers milieux concernés.
  • La subsidiarité publique inquiétera sans doute les traditionnalistes d’une fonction publique intégriste.

Les plus :

  • La subsidiarité publique permet une évolution par une confrontation constructive et progressive des pratiques. Elle donne à pratiquer, donc à convaincre par le cheminement pédagogique et non par la seule invective des formules ou le caractère incantatoire des propos.
  • La subsidiarité publique donne un horizon à plusieurs millions de salariés des institutions publiques ou para-publiques qui aujourd’hui sont sous les coups de butoir d’une société ayant du mal à comprendre le sens de leur action et de leur « servir public ».
  • La subsidiarité publique ouvre un champ expérimental qui peut donner lieu à des pratiques suffisamment reconnues et partager dans leur efficacité pour permettre au législateur ou au juge de les « signifier » dans le droit.
  • La subsidiarité publique va au-delà des pratiques de décentralisation ou de déconcentration ou encore de ce que les uns ou les autres mettent derrière la notion de proximité.
  • La subsidiarité publique permet de situer l’échelle des projets non plus en fonction de contextes institutionnels, d’influence politique, ou de données topographiques. Elle ouvre la question en ciblant d’abord l’espace-temps des énergies mobilisables à la fois dans une série de lieu (presque des lieux-dits) et selon des regards fortement diversifiés sur le sujet à assumer collectivement.


le 7 janvier 2003 par Jacques Chatignoux Opérateur
modifie le 31 mars 2021

Notes

[1] Ce qui en soi n’est pas nouveau… Le monde a toujours vécu dans une logique de réseau. Ce qui est nouveau c’est : l’explosion de la diversité, l’usage d’un « substrat » commun - l’internet - et l’atomisation des pouvoirs qui l’accompagne. Ils sont pour l’heure à l’honneur durant la manifestation de Janvier 2002 à Autrans : cliquez ici - cf plus précisément . :: Atelier 5 Rencontre des réseaux de personnes : le travail en réseau ::.

[2] celles-ci étant souvent simples démembrements de la sphère publique de par les financements et les activités

[3] Ce dernier mot mériterait une longue explication du fait de ses dérives. Pour le dictionnaire, il s’agit de ce qui n’est ni militaire, ni religieux… Pour l’univers des décideurs, cela correspond davantage à tout ce qui n’est pas « moi » mais ce que sont les autres : associations, Ong, entrepreneurs privés etc… Pour ces « autres »… la société civile serait eux…. Reste alors au pauvre citoyen à savoir dans quelle case il doit se mettre

[4] De ce point de vue, il faut prendre en considération l’émergence progressive d’une sphère « intermédiaire », à composante associative mais à dimension plus ou moins marchande. Cf un repère succinct de la question dans Monde Initiatives de janvier 2002 page 25 « Des sociétés en mouvement… la recherche d’intermédiaires tels que l’association ou l’entreprise sociale ». Les dernières années ont en effet vu l’adaptation des législations pour « nettoyer en quelque sorte » les abus à caractère marchand des seules logiques associatives, soit en assurant la distinction comptable des activités, soit en favorisant l’émergence de statuts juridiques nouveaux. L’économie solidaire en est un des repères avec des prétentions et s’identifie à « une dynamique sociopolitique et alternative, centrée sur la vie quotidienne et les réseaux locaux ». Poursuivant Martine Barthélémy indique : « Basé sur une »hybridation« entre marché, redistribution et réciprocité, le projet de l’économie solidaire intègre la dimension politique des associations tout en s’attachant à encourager leurs réalisations économiques »

[5] Le prix de la vérité - le don, l’argent, la philosophie par Marcel Hénaff - Ed Seuil

Cf aussi la revue Esprit Fév 2002 : Y a-t-il encore des biens non marchands ?

[6] La géopolitique d’internet par Solveig Godeluck - Ed La découverte

[7] Le temps de l’engagement pluriel , Jacques Ion, Revue Sciences humaines hors-série N°39 déc 2002 / janv-fév 2003 Page 58

[8] Ce phénomène n’ayant rien de bien nouveau ; c’est souvent par la multiplicité et l’activisme des réseaux de toutes sortes que se préparèrent dans l’histoire, les grands événements qui firent d’une époque donnée, le moment de basculement d’une société vers une autre

[9] C’est bien souvent l’enjeu voir l’opportunisme de ces faux représentants de la société civile, de se faire passer pour tels

[10] Sur la netiquette voir en particulier

[11] Quand l’internet bouscule les pratiques de l’administration… - L’expérience de co-production de la Rn19

[12] cf aussi « Les Découvreurs » de Daniel Boorstin Ed R.Laffont, ou « Le livre des terres inconnues - Journaux de bord des navigateurs XV-XIXe siècle » par François Bellec - Ed du Chêne

[13] cf l’ouvrage « La logique de l’informel - A la découverte des jeux de pouvoirs dans l’entreprise » par Gérald Pavy - Ed d’Organisation

[14] « Les découvreurs » Daniel Boorstin Robert Laffont - Existe en édition de poche mais préférez le livre de collection relié, soigneusement illustré

[15] de celle si prisée par nos diplomates créant dans l’histoire des nations des fractures durables autour de cessez le feu !

[16] Acronyme pour not in may back yard ; en français : « pas dans mon jardin »

[17] Lire de ce point de vue l’intérêt de la diffusion de la connaissance par Benoît Loos sur Analyse de la valeur : un outil au service de la prise en compte de l’environnement dans le cadre des projets d’infrastructures ?

ou encore Crédibilité du discours de l’ingénieur et histoire des sciences

[18] « Il est urgent de sortir du pétrole » - Alternatives économiques N°210 Janvier 2003 page 70

[19] Cf le Monde Interactif, 16 mai 2001Michel Elie (Observatoire des Usages de l’Internet)

Bertrand Roussel ( La Paleoassociation )

[20] Les Echos du 6 janvier 2003