L’aménagement du territoire en France par Pierre Merlin

Informations pour votre compte
Authentification
Visiteurs : 23412 (447 par jour)
Fiche Ressources DLD N°920-1818

L’aménagement du territoire en France par Pierre Merlin

Descriptif

L’expression « aménagement du territoire (AduT) » se veut typiquement française même si les Québécois l’ont importé au début des années 1960. Les Wallons refusent de l’employer et les Suisses, à ma connaissance, ne l’emploient guère. Reste, bien sûr, l’Afrique francophone qui ne se prive pas de l’utiliser à défaut d’aménager véritablement. L’expression a été popularisée avec la création de la Délégation à l’aménagement et à l’action régionale (DATAR) en 1963 avec Olivier Guichard, grand gaulliste devant l’éternel, qui en fut le tout premier délégué. Il s’agissait alors de conseiller l’État dans sa volonté de favoriser, à travers les fameux plans quinquennaux, un développement harmonieux de l’Hexagone en cherchant à décongestionner Paris et à favoriser un meilleur équilibre entre les régions.

Cet ouvrage de Pierre Merlin, professeur émérite de l’Université de Paris I, montre, ô combien, il s’en est coulé de l’eau sous le pont Neuf ou sous celui de Québec depuis lors. Car les références sur le sujet, aujourd’hui, comme les feuilles d’automne, se ramassent à la pelle ou presque.

L’auteur montre, en fait, que la notion d’AduT, a fait son apparition au lendemain de la guerre (la deuxième, bien sûr) alors qu’il fallait reconstruire l’Europe. Elle est devenue, comme il l’écrit, une priorité de l’action de l’État dans les années 1960 sous l’influence du volontariste gaulliste. Suite à une recension portant sur la décentralisation, il est intéressant de voir comment en France s’est présenté le conflit centralisation versus décentralisation. Cette dernière remportera une bataille avec les lois Deferre 1982-83. Mais les partisans des Jacobins ne lâchant jamais prise, les disciples des Girondins ne sont jamais assurés de remporter une guerre qui n’en finit jamais de finir. Celui qui a écrit pas moins d’une cinquantaine d’ouvrages sur des sujets entourant la problématique de l’AduT, dégage un constat pessimiste en ce qui regarde la situation prévalant en France. À plusieurs titres, ose-t-il écrire, il est tenté de penser que les évolutions observées sur une période couvrant plus de quatre décennies, comme étant des régressions. Pas facile en effet, de décentraliser, surtout un pays comme la France dont le mal principal est justement le centralisme comme l’a signalé en son temps (1976) Alain Peyrefitte.

Mais de quoi parle-t-on vraiment ? Aménager le territoire, pour l’auteur, c’est se rapporter à l’action et à la pratique de disposer avec ordre à travers l’espace d’un pays et dans une vision prospective, les hommes et leurs activités, les équipements et les moyens de communication qu’ils peuvent utiliser, en prenant en compte les contraintes naturelles, humaines et économiques, et ceci afin que les fonctions et les relations entre les hommes s’exercent de la façon la plus commode, la plus économique et la plus harmonieuse. Voilà, pas plus compliqué… Après s’être interrogé si aménager un territoire relève d’une démarche scientifique, ou s’il ne s’agit pas plutôt d’une technique ou encore, comme le dit le Larousse, s’il s’agit d’une forme d’art ? l’auteur préfère ramener l’AduT à son caractère d’intervention volontaire, de dimension territoriale de la planification. C’est donc une praxis, i.e. un ensemble d’actions visant un même objectif.

Comme les lecteurs de ma génération le devinent bien, l’historique de l’AduT ne peut manquer d’évoquer ici et là le fameux Paris ou le désert français du géographe J.f. Gravier. Ce pamphlet d’un jeune universitaire est apparu au lendemain de la guerre comme rien de moins qu’un gros pavé dans la mare. Oui, il fallait prendre conscience de la nécessité d’agir. L’auteur voir dans cette parution l’élément déclencheur de la première politique d’AduT qui sera suivi de beaucoup d’autres ici très bien décrites. Une sous–section traitant du développement local veut que cette notion ait été mise de l’avant dans les années 1990.

En fait, c’est dans la décennie précédente qu’elle est apparue, soit avec l’arrivée du PS au pouvoir. Michel Rocard premier-ministre lors de la première mouture de l’administration Mitterrand s’en faisait le porte-étendard. La définition ici donnée mérite de se voir signalée : le développement local suppose une volonté collective de mobiliser les ressources locales, tant naturelles, qu’économiques et humaines, et de conserver la maîtrise de ce développement. Sur un territoire homogène, les acteurs locaux portent un projet global (à la fois social et économique) de développement. Devant souvent me plaindre, qu’en France, l’expression développement local s’utilise à toutes les sauces, ce n’est heureusement pas le cas ici.

Enfin, faut-il voir à nouveau chez l’auteur un constat pessimiste lorsqu’il écrit qu’avec l’émergence des idées libérales (au sens européen du terme) et les contraintes de la mondialisation économique d’inspiration libérale, le concept d’AduT aurait perdu de sa force. La compétitivité l’emportant sur l’aménagement, on donnera ainsi la priorité aux pôles de compétitivité.

André Joyal Université du Québec à Trois-rivières


Références ou Coordonnées

Pierre Merlin, L’aménagement du territoire en France, Paris, La Documentation française, 2007, 174 p.


par André Joyal le 2 septembre 2010
Suite à donner