PME rurales, dynamisme et exportation - André Joyal

Informations pour votre compte
Authentification
Visiteurs : 15185 (244 par jour)
Fiche Ressources DLD N°920-1779

PME rurales, dynamisme et exportation - André Joyal

Descriptif

J’essaie de montrer qu’il existe bien un nouveau dynamisme en milieu rural grâce aux PME innovantes

Il s’agit d’un texte paru dans : Découvrir, vol 22, no 1, jan-fév 2001

« Exporter c’est difficile pour une PME ! » Ce cri du cœur d’un fabriquant de produits électriques du centre du Québec illustre bien le sentiment des entrepreneurs. Et les chiffres l’appuient : seulement 20% des PME manufacturières du Québec vendent leurs produits à l’étranger. En 1996, elles n’étaient que 1 900 sur un total de 175 000 à réussir à s’implanter outre frontière, avec des ventes qui n’y atteignaient que 8 p. 100 de leur chiffre d’affaires.

Nos PME étant responsables de près d’un emploi sur deux au Québec, on comprend pourquoi, lors du sommet socio-économique de 1996, le premier ministre Lucien Bouchard avait insisté pour que qu’elles s’engagent davantage dans l’exportation. Deux semaines auparavant, à Trois-Rivières, l’Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec avait lancé la tournée Exportation 2000, avec l’appui de 12 partenaires publics et privés tels le fonds de Solidarité de la FTQ et la Banque Nationale. L’opération visait à sensibiliser des dirigeants de PME susceptibles d’exporter. Le gouvernement du Québec espérait ainsi favoriser l’émergence, avant la fin du siècle, de 2 000 nouvelles PME exportatrices. L’objectif a été atteint un an plus tôt que prévu avec 2 116 nouvelles PME exportatrices. 248 d’entre elles se trouvaient dans les trois régions où se situent les PME rurales qui ont fait l’objet de nos études ces dernières années : la Mauricie, Lanaudière et le Centre du Québec.

Un handicap relatif : l’isolement

Les PME en milieu rural et insulaire œuvrent généralement dans des domaines qui génèrent peu de valeur ajoutée, notamment l’alimentation ou la première transformation de produits alimentaires, la transformation sommaire du bois et la mécanique

peu élaborée. Elles sont par ailleurs isolées des grands réseaux d’informations et des sources d’appuis concentrées dans les régions métropolitaines. Elles ont donc un réel besoin d’information à la fois sur l’évolution des marchés et des nouvelles technologies. En plus d’un marché local très limité, elles souffrent de sous-financement de façon endémique et subissent une insuffisance d’infrastructures, une pénurie de main-d’œuvre

peu qualifiée suite à l’exode des jeunes. À une époque où la coopération interentreprises devient une nécessité, l’isolement semble être leur principal handicap. Pourtant il existe de nombreux exemples de réussite et de dynamisme dans ces milieux.

Des PME de classe mondiale

Malgré les nombreux obstacles, et contrairement à ce que la littérature scientifique laisse croire généralement, les PME en milieu rural et insulaire peuvent être innovatrices et dynamiques dans tous les secteurs d’activité. L’isolement ou l’éloignement ne sont pas insurmontables. La pénétration des marchés est un défi au départ, mais certaines PME tirent leur épingle du jeu en misant sur des conditions gagnantes comme la qualité et l’originalité de leurs produits, la recherche d’informations nouvelles, la mise en oeuvre d’alliances stratégiques et l’intégration des nouvelles technologies. C’est grâce à ces de telles initiatives que certaines ont pu devenir des PME de classe mondiale.

Sur la rive sud du Saint-laurent, par exemple, une simple entreprise de portes et de fenêtres comme il en existe bien d’autres au Québec, se distingue par la spécificité de son produit principal mais aussi par la détermination de son dirigeant : « Ma seule ambition est d’être le meilleur, dit-il. Je veux prouver qu’on peut être le meilleur sans être le plus gros. Ce que les gros ne font pas, nous on le fait. »

D’autres PME s’engagent dans la fabrication complète de maisons. En Mauricie, une PME de plus de 160 employés fabrique des composants de maisons usinées ou de maisons en panneaux. 40 p. 100 de sa production est vendue non pas aux États-Unis, comme c’est généralement le cas, mais en Islande, au Japon, en France, en Suisse et en République tchèque. Ici aussi, la détermination du propriétaire-dirigeant est la clé du succès : « Pour obtenir une certaine visibilité sur le marché il faut au moins six ans de travail intensif et tu ne peux jamais t’asseoir sur tes lauriers. » nous a-t-il affirmé.

L’innovation, un atout majeur pour se distinguer sur les marchés internationaux, prend des visages différents selon les secteurs. Pour les plastiques, dont les produits sont relativement simples, c’est la technologie assistée par ordinateur qui confère à nos entreprises le statut d’entreprise innovante. Dans un autre secteur pour une de nos entreprises des Bois-Francs, spécialisée dans l’habillement, le design particulier d’une gamme pour jeunes enfants fait son originalité. Trois entreprises du secteur du bois ont conçu des produit élaborés : des cercueils luxueux, des panneaux isolants structuraux pour la construction de maisons et des bâtons de hockey très haut de gamme. Et dans le secteur du papier, une PME rurale fabrique le carton à mandrin et le carton séparateur-partition, des produits multicouches qui contiennent 100% de fibres recyclées et biodégradables. Une autre entreprise fabrique des bennes de camion monocoques plus résistants et d’un poids inférieur à tous les produits concurrents, ce qui lui permet de vendre en Australie. La liste pourrait s’allonger encore mais on retient surtout l’importance de l’engagement des dirigeants de ces entreprises. La détermination, la confiance en soi et l’audace constituent leur marque de commerce.

Des îles moins isolées qu’on le croit

Quatre îles du nord de l’Atlantique, l’île du Prince Édouard, Terre-Neuve, l’Islande et l’île de Man, ont fait l’objet d’une étude approfondie du degré de dynamisme d’un échantillon de 52 PME manufacturières. Nous avons vérifié le comportement plus ou moins proactif de l’entreprise vis-à-vis des nouvelles technologies, de la formation du personnel et des nouveaux marchés. Nous avons aussi évalué la capacité de changement des dirigeants face aux produits de la technologie disponible et aux besoins en ressources humaines. Nous voulions voir dans quelle mesure l’isolement était un obstacle et, le cas échéant, comment les entreprises le surmontaient.

Il en est ressorti 16 PME dynamiques, autant de PME non dynamiques et 20 moyennement dynamiques. Les entreprises les plus dynamiques anticipent les décisions de leurs concurrents avec pour conséquence des retombées positives sur leur performance. Leur niveau d’activité sur les marchés internationaux est plus élevé que les autres, soit 37,3 p. 100 du chiffre d’affaire contre 11,6 p. 100 pour les moins dynamiques. Les entreprises moyennement dynamiques réalisent toutefois le chiffre d’affaires moyen le plus élevé, soit 9 millions $. Les entreprises moins dynamiques se retrouvent dans des secteurs d’activité plus traditionnels comme le textile, le bois, l’agroalimentaire alors que les PME plus dynamiques oeuvrent dans le secteur médical ou la mécanique/électrique. Les points marquants des PME fortement dynamiques sont leur jeunesse, leur plus petite taille, leur plus grande insertion sur le marché international et le caractère moins traditionnel de leur activité.

Dans l’ensemble, les PME en milieu non-métropolitain sont innovantes, branchées sur les réseaux d’information et proactives pour répondre à leurs besoins d’information. On peut également affirmer que les économies d’agglomération ont beaucoup moins d’importance qu’il y a trente ou quarante ans dans le choix de la localisation des entreprises. Et surtout, nos travaux indiquent clairement que l’éloignement n’est plus un handicap majeur pour l’essor des PME.

André Joyal, membre de l’Institut de recherche sur les PME de l’Université du Québec à Trois-Rivières


Références :

  • Joyal, A, et L. Deshaies,(2000a), Les PME rurales : un dynamisme étonnant, Québec 2001, Fides Montréal.
  • Joyal, A et L.Deshaies, (2000b), Réseaux d’information des PME en milieu non-métropolitain, Cahiers de géographie, Vol 44, No 122, pp189-207.
  • Joyal, A et L.Deshaies et S. McCarthy, (2001),The Dynamism of Small and Medium-Sized Enterprises in the North-Atlantic Islands, à paraître dans Revue canadienne de science régionale.
  • OCDE (1998), Créer des emplois pour le développement rural, Paris.

Références ou Coordonnées

L’article en.anglais devant paraître dans la Revue canadienne de science régionale est bel et bien paru dans le no d’été 2000 ( paru en 2001)


par André Joyal le 3 janvier 2002
modifie le 19 août 2010
Suite à donner